La liberté de la presse est un principe fondamental et inhérent à la démocratie. En France cette liberté est admise depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, autant dire que ce principe n’est pas nouveau. L’article 19 dispose entre autre que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », autrement dit la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.
Pourtant, en France et plus généralement en Europe, un phénomène de concentration des médias voit de plus en plus le jour. Alors que la liberté de la presse ainsi que la liberté d’expression sont admises, cette concentration n’est pas sans poser des questions. Qu’en est-il de la liberté et l’indépendance des médias lorsque ceux-ci sont le monopole de quelques milliardaires ? Tout journaliste est-il libre de penser librement ? Les médias peuvent-ils se placer comme instrument de propagande politique ?
Face à la réduction du pluralisme dans les médias, à l’ingérence des acteurs publics ou privés dans les décisions éditoriales mais aussi à celle liée aux problèmes de financement de ces médias, l’Union Européenne, dont la démocratie libérale est un des principes fondateurs, s’est vue dans l’obligation d’agir. Le 1er mai 2024 est entré en vigueur le règlement – acte législatif européen le plus contraignant – sur la liberté des médias. Preuve de l’urgence de la question, l’UE souhaite protéger l’indépendance des rédactions, le secret des sources ou encore l’indépendance de l’audiovisuel. En Europe, la France ne se place définitivement pas en exemple en la matière et a même su se démarquer par sa médiocrité, en comparaison à ses homologues européens.
Il est alors difficile de parler des médias français sans évoquer le fameux homme d’affaires milliardaire Vincent Bolloré pour qui la presse ne représente qu’une entité de luxe, une valeur capitalistique ainsi qu’un moyen de diffuser ses idéaux d’extrême droite. Son rôle dans la montée de l’extrême droite en France, qui a fait une percée historique lors des dernières élections européennes en France, est indéniable. En se servant de ses chaînes télévisées entre autres, (CNews ou C8) dont les présentateurs sont qualifiés d’extrême droite (Pascal Praud, Cyril Hanouna), Bolloré invite les idées d’extrême droite dans le salon des téléspectateurs.
Car lorsqu’il existe une concentration des médias par un milliardaire dont les idées sont celles de l’extrême droite (xénophobe, sexiste, raciste et LGBTphobe), ces idées sont placées au centre des débats poussant alors, dans une dynamique capitalistique, les autres médias, y compris ceux du service public, à s’emparer eux aussi de ces sujets. Cela n’est pas sans lien avec la banalisation des idées nationalistes du RN et la diabolisation des idées de gauche.
En quelques chiffres, durant la campagne européenne l’exposition médiatique – couvrant le temps de parole ainsi que les mentions des candidats – en mai 2024 pour chaque tête de liste était la suivante : 17 309 pour Jordan Bardella, 11 832 pour Raphaël Glucksmann, 5 774 pour Marion Maréchal Le Pen et 5 344 pour Manon Aubry.
Source : Ouest France.
Alors que les idées d’extrême droite ont le vent en poupe partout en Europe, il conviendrait de se demander quels rôles ont les médias là-dedans et quelle place peut prendre la résistance médiatique face à une concentration toujours plus forte de ceux-ci qui servent alors des intérêts privés ainsi qu’un projet politique de ralliement entre le RN et LR.
Faut-il créer une résistance médiatique qui passerait par la multiplication des médias indépendants. Ces derniers ont cependant de plus en plus de mal à être financés, comme nous l’avons dit précédemment, la presse et les médias d’une manière plus générale, répondent aux valeurs capitalistes.
De fait, la concentration des médias est de plus en plus élevée. Selon le rapport intitulé La concentration des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation de l’inspection générale des affaires culturelles, « La concentration dans le segment des services de télévision mesurée à partir de l’indice de Herfindahl-Hirschmann […] démontre un haut degré de concentration (IHH en 2016 supérieur ou proche du seuil de référence de 2 000, usuellement regardé comme indicatif d’un niveau élevé de concentration) ». Ce rapport ajoute que le « paysage des chaînes nationales privées s’est progressivement reconcentré autour des trois opérateurs historiques (TF1, Canal+ et M6). Ces derniers détenaient ensemble en 2020 conjointement 17 des 30 chaînes de la TNT, soit plus de la moitié d’entre elles, et l’intégralité des 5 chaînes payantes ; ils représentaient près de 46 % de l’audience télévisuelle en 2021. »
La concentration des médias pose alors la questions de la pluralité d’opinion, ainsi que du contrôle des discours diffusés sur ces mêmes médias.
Finalement, à l’ère numérique, les réseaux sociaux offrent une nouvelle plateforme pour les médias ouvrant alors les possibilités d’une plus faible concentration médiatique. Cependant ces derniers ne sont sûrement pas la réponse à tous les maux médiatiques, thème qui mériterait son propre article.
Sources :
https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/PPA
https://www.ouest-france.fr/elections/europeennes/elections-europeennes-2024-quels-candidats-sont-les-plus-exposes-dans-les-medias-d3b73072-1cec-11ef-9302-e3fef0044a0c
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