Génocide à Gaza : le rapport accablant d’Amnesty International

Le 5 décembre 2024, Amnesty International a publié un rapport accablant, intitulé « On a l’impression d’être des sous-humains ». Le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza, qui conclut qu’Israël commet un génocide contre la population palestinienne de Gaza. Fruit d’une enquête approfondie réalisée entre le 7 octobre 2023 et début juillet 2024,  ce document repose sur une analyse détaillée de témoignages, de preuves visuelles et numériques, ainsi que d’une centaine d’entretiens avec des victimes, des témoins, des autorités locales et des professionnels de santé.

Le génocide selon le droit international 

Le génocide est un crime encadré par le droit international, défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, ratifiée par Israël en 1950, ainsi que par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce crime comprend des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Parmi ces actes figurent le meurtre de membres du groupe, les atteintes graves à leur intégrité physique ou mentale, ainsi que l’imposition de conditions de vie destinées à provoquer la destruction physique.

Des homicides et des blessures graves

L’armée israélienne a multiplié les frappes aériennes sur des zones densément peuplées, tuant et blessant des milliers de civils, dont de nombreuses femmes et enfants. Amnesty a enquêté sur 15 frappes spécifiques, faisant au moins 334 morts, dont 141 enfants, sans objectif militaire clair. Parmi celles-ci, 11 frappes ont été menées sur des habitations et des bâtiments au sud du Wadi Gaza (le fleuve qui traverse la bande de Gaza, au sud de la ville de Gaza) où les civils avaient reçu l’ordre de se rendre après l’évacuation du nord le 13 octobre 2023, rendant ainsi le territoire sud surpeuplé. Amnesty rapporte le cas représentatif de la frappe du 14 décembre 2023 à 11h45 ciblant un logement de 3 étages ayant tué 30 personnes : 11 enfants, 8 hommes et 11 femmes, 3 générations : la plus jeune victime était un bébé de 3 mois et la plus vieille était un homme âgé de 86 ans. Bien qu’Amnesty n’ait enquêté que sur un petit nombre de frappes, le rapport précise que « celles-ci sont représentatives du caractère systématique des attaques directes et aveugles menées de manière répétée par l’armée israélienne à Gaza ». 

Imposition de conditions de vie inhumaines

Les bombardements incessants ont créé une crise humanitaire sans précédent, des infrastructures vitales, telles que des hôpitaux, des systèmes d’approvisionnement en eau et des terres agricoles, ont été détruites, tandis que la population subit famine, malnutrition, et épidémies. L’État d’Israël a imposé un siège total à Gaza, coupant l’approvisionnement en électricité, en eau et en carburant. Seulement 2 mois après le 7 octobre 2023, 2 millions d’habitant·e·s de Gaza se trouvaient en situation de famine, une situation gravissime qui a conduit les habitant·e·s du nord du Wadi Gaza à se nourrir de plantes sauvages et de fourrage pour le bétail. Les conséquences sont particulièrement dramatiques pour les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes, l’hôpital Kamal Adwan, à Beit Lahia, a recensé 26 morts d’enfants en avril 2024, à cause de malnutrition ou de complications liées à la malnutrition. Le rapport ajoute que « Des Palestiniens et Palestiniennes déplacés vivant dans de telles conditions déshumanisantes ont déclaré dans des entretiens avec les médias qu’ils mouraient « à petit feu » ». 

Déplacements forcés

Près de 90% de la population de Gaza – environ 1,9 million de personnes – a été déplacée de force, souvent par des ordres d’évacuation confus et arbitraires, la majorité des personnes ayant dû être déplacées plusieurs fois. Ces déplacements ont contraint les Palestinien·e·s à se réfugier dans des zones de plus en plus exiguës, sans accès aux services de base, exposant la population à des conditions de survie. L’opération terrestre lancée par Israël à Rafah, où plus d’un million de personnes déplacées s’étaient réfugiées, le 6 mai 2024 a illustré la brutalité des déplacements forcés. L’opération a forcé la quasi-totalité de la population de Rafah à trouver de nouveaux abris temporaires dans des zones déjà surpeuplées et dévastées.

Obstruction de l’aide humanitaire

Israël entrave l’accès à l’aide humanitaire à Gaza avec des points de passage strictement contrôlés, et des procédures d’inspection longues et arbitraires. Le rapport souligne que l’assistance fournie ne répond pas aux besoins urgents de la population, mettant en péril la survie des civils. L’analyse quantitative des données sur les camions entrant à Gaza démontre que la quantité d’aide humanitaire autorisée par Israël est restée bien inférieure aux besoins réels de la population, et ce malgré des engagements non tenus d’augmenter le volume d’aide. Avant l’offensive d’octobre 2023, en moyenne 327 camions d’importations (hors carburant) entraient quotidiennement à Gaza. Ce chiffre, déjà insuffisant pour répondre aux besoins de la population avant l’offensive, s’est effondré après le début des hostilités et ce malgré les besoins accrus liés aux destructions massives et aux déplacements forcés. En janvier 2024, seulement 10% des demandes d’organisations humanitaires pour accéder au nord de Gaza, zone fortement touchée, ont été approuvées par Israël. Malgré l’urgence de la situation, Israël a refusé l’importation de centaines de fournitures et équipements médicaux essentiels, aggravant la situation du système de santé déjà au bord de l’effondrement. 

Destruction du patrimoine culturel

L’enquête met également en lumière la destruction systématique de sites culturels et religieux palestiniens. Des mosquées, des universités et d’autres lieux symboliques ont été endommagés ou détruits, souvent sans justification militaire. Ces actions ont pour objectif non seulement d’infliger des souffrances physiques, mais aussi de détruire l’identité palestinienne et de fracturer le tissu social de la communauté. Amnesty International a authentifié 43 vidéos montrant des attaques contre des mosquées, dont 12 ont été détruites par des démolitions contrôlées. L’exemple de la destruction de bâtiments de l’université al Azhar et de l’université Israa illustre la volonté délibérée d’Israël d’effacer l’identité palestinienne. Une vidéo montre des soldats israéliens célébrant la « démolition contrôlée » d’un bâtiment universitaire, l’un d’eux déclarant : « Prends ça ! Joyeux Hanouka, peuple d’Israël. Autrefois, il y avait une université ici ».

L’intention génocidaire d’Israël dans un contexte d’apartheid

Révélée par des actions systématiques et des discours haineux, l’intention des dirigeants israéliens est claire : détruire la population palestinienne, en tout ou en partie. Parmi les propos rapportés par Amnesty, ceux d’Israël Katz, ministre de l’Énergie ayant déclaré le 10 octobre 2023 : « C’est fini. Sans carburant, même l’électricité locale sera coupée en quelques jours et les puits cesseront de fonctionner en une semaine. C’est ce qui doit être fait à une nation de meurtriers et de bouchers d’enfants. », justifiant la privation d’eau et d’électricité comme un châtiment collectif. Un autre exemple frappant est celui du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui, lors d’un événement public le 29 avril 2024, a appelé à l’annihilation totale de villes palestiniennes : « Pas de demi-mesures. Rafah, Deir al Balah, Nuseirat : annihilation totale. Tu effaceras le souvenir [du peuple] d’Amalek de sous les cieux ». Ces discours, loin d’être isolés, s’inscrivent dans un climat généralisé de déshumanisation des Palestinien·e·s, encouragé par des responsables politiques et religieux israéliens qui tentent de légitimer l’effacement complet de populations civiles, notamment par des récits religieux. 

Ce génocide se déroule dans un contexte d’apartheid israélien, un système qui opprime et domine systématiquement les Palestinien·e·s par la ségrégation spatiale, la discrimination juridique, la violence institutionnelle et le déni des droits fondamentaux.  L’exemple du blocus de Gaza, en place depuis 2007, l’illustre parfaitement, restreignant drastiquement l’entrée et la sortie des personnes et des biens, maintenant la population palestinienne dans un état de privation et de dépendance, ce blocus a créé une « crise humanitaire chronique » à Gaza.   

Un appel à l’action internationale

Face à ces violations massives des droits humains, Amnesty International appelle la communauté internationale à intervenir de manière urgente pour mettre fin au génocide en cours à Gaza. Soulignant qu’il est impératif que les États, les institutions internationales et la société civile se mobilisent pour protéger les Palestiniens et les Palestiniennes et faire pression sur Israël afin de mettre un terme à ces crimes.  

Amnesty International insise sur la responsabilité des États à prévenir et sanctionner le crime de génocide, en vertu de la Convention sur le génocide et les exhorte à prendre des mesures concrètes et immédiates pour mettre fin à cette situation: 

  • Exercer une pression diplomatique et politique forte sur Israël pour exiger l’arrêt immédiat des actes génocidaires.
  • Suspendre la vente et le transfert d’armes à destination d’Israël jusqu’à ce qu’il cesse ses violations du droit international.
  • Soutenir les enquêtes internationales et les mécanismes de justice, en coopérant avec la CPI et en facilitant son travail.
  • Imposer des sanctions ciblées contre les responsables israéliens impliqués dans le génocide, notamment via le Conseil de sécurité de l’ONU.
  • Apporter un soutien humanitaire massif à la population de Gaza en garantissant un accès humanitaire sans entrave et en levant le blocus.
  • Œuvrer pour le démantèlement du régime d’apartheid israélien afin de prévenir de futures atrocités.

Signez la pétition d’Amnesty International pour un cessez-le-feu et la protection des civils.

Synthèse du rapport d’Amnesty : https://amnesty.hosting.augure.com/Augure_AmnestyInternational/r/ContenuEnLigne/Download?id=0532C976-CD85-47C6-9E07-7332FAAF97C1&filename=FRENCH_%20Executive%20Summary_ext_FR.pdf


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