Amnesty international a lancé une pétition afin de soutenir Justyna Wydrzyńska, militante féministe polonaise accusée et reconnue coupable d’aide à l’avortement le 14 mars 2023.
La Pologne est l’un des pays d’Europe où le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est le plus restrictif. Depuis 1993 et l’entrée dans une nouvelle ère en terme d’IVG, la « transformation », ainsi appelée en Pologne, conditionne le droit à l’avortement. Le recours à l’IVG n’est possible que si la mère a été violée, si sa vie est en danger et finalement si le fœtus souffre d’une malformation grave. En 2020, sous le gouvernement conservateur de Mateusz Morawiecki, ces conditions sont de nouveau durcies entraînant la quasi interdiction de l’IVG en Pologne. Il n’est désormais plus possible de recourir à un avortement en cas de malformation grave du fœtus. Dans ce contexte, le pays impose aux femmes souhaitant avorter, pour de multiples et diverses raisons, de le faire aux portes de la Pologne, voire les place dans une situation d’illégalité. Les ONG estiment que le nombre d’IVG pratiquées clandestinement ou dans les cliniques étrangères s’élèveraient à 200 000 par an, alors que la Pologne n’a enregistré en 2019 que 1 100 cas.
Le gouvernement de Mateusz Morawiecki a cependant échoué à emporter une majorité lors des élections d’octobre 2023 face à la coalition des trois partis de gauche menée par Donald Tusk. Ce basculement politique fait germer l’espoir de la création d’un véritable droit à l’IVG qui ne serait donc plus conditionné. Effectivement, ces élections marquent un tournant démocratique puisque 79,3% des polonais sont allés voter. Les femmes particulièrement se sont largement mobilisées, les urnes sont bel et bien un moyen de contestation.
Ces événements obligent à se poser la question de la pérennisation du droit à l’IVG au sein du droit français. La question de l’inscription de ce droit au sein de la Constitution française a d’ailleurs émergé après le passage des lois restrictives polonaises ainsi que l’annulation par la Cour suprême des Etats-Unis, en juin 2022, de l’arrêt fédéral Roe vs Wade. Cette mesure prise en 1973 garantissait le droit d’avorter sur tout le territoire américain, ce qui relève désormais de la discrétion de chaque État.
Aujourd’hui, alors que la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi du gouvernement visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, rien n’est encore joué. Encore faut-il que ce texte soit adopté en séance publique à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Plus qu’un geste symbolique, constitutionnaliser le droit à l’IVG élèverait ce droit à un droit fondamental, sur lequel il ne serait pas possible de revenir. « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. ». Ces mots de Simone de Beauvoir résonnent de fait, internationalement.
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