Investiture de Donald Trump : quelles conséquences pour les droits humains ?

Difficile de manquer l’investiture de Trump le 20 janvier 2025 qui l’a officiellement proclamée Président. Alors que son précédent mandat a déjà été marqué par une restriction des droits humains – à l’instar de la suppression de l’arrêt Roe v. Wade en faveur de l’avortement – cette fois-ci Trump n’est plus le clown sur lequel nous pouvions blaguer. Il est plus que jamais déterminé à attaquer en profondeur de nombreux droits fondamentaux. 

Les dernières années n’ont pourtant pas été des plus réjouissantes concernant les droits humains. Selon un rapport de Human Rights Watch, “L’administration Biden a fait peu de progrès dans la lutte contre le racisme systémique et les menaces croissantes contre la liberté reproductive, tandis que les gouvernements fédéral et étatiques ont adopté des politiques frontalières de plus en plus abusives. Les autorités étatiques et locales ont annulé les réformes du système judiciaire pénal et menacé les libertés fondamentales.” Dans ce contexte, l’arrivée de Trump au pouvoir ne va qu’aggraver la situation déjà déplorable en matière de droits humains. C’est à travers son “projet 2025” contenant plus de 900 pages dessinant les priorités politiques que Trump dresse un programme ultraconservateur pour les Etats-Unis.  Alors qu’est-ce que ce nouveau mandat, espérons le dernier, a de dangereux pour les droits humains et la démocratie en général ?

Les droits des étrangers, des femmes et des personnes transgenres en ligne de mire 

Dès son arrivée, le 49ème président des Etats-Unis a signé de nouveaux décrets chocs qui s’attaquent directement aux droits des minorités. 

Une première série de mesures réduit à néant le droit de demander l’asile ou toute forme de protection humanitaire aux Etats-Unis tant pour les migrations illégales que légales. Effectivement, Trump tente également de restreindre la citoyenneté de naissance, permettant à toute personne née sur le sol américain d’en devenir citoyen.  Les statistiques de l’US Immigration and Customs Enforcement (ICE) font déjà état d’expulsions massives puisqu’au quatrième jour, plus de mille personnes ont été expulsées ou rapatriées. En outre, le ministère de la Défense a déclaré qu’il fournirait des avions militaires pour expulser plus de 5 000 personnes qui ont été détenues par la patrouille frontalière à San Diego et El Paso, au Texas. 

Protéger les femmes “qu’elles aiment ça ou pas”, voila les mots de Donald Trump, grand défenseur du modèle familial traditionnel (lui-même père de cinq enfants issus de trois mariages différents) et de la limitation du droit à l’IVG. Trump a pour ambition d’interdire le droit à l’avortement sur l’ensemble  du pays alors que le fédéralisme américain avait permis à quelques Etats de resister. La restriction de l’IVG mais également des pilules abortives, de la fécondation in vitro,  de la possibilité pour les femmes de voyager pour pouvoir avorter ou encore d’obtenir d’autres soins sont autant d’atteintes aux droits des femmes ainsi qu’à leur santé. Cet impact est de surcroît disproportionné sur les groupes de populations les plus marginalisées qui subissent des discriminations multiples (femmes noires, handicapé·es, autochtones, personnes LGBTQIA+).

Le recul des droits humains passe aussi par l’acharnement envers les droits des personnes transgenres, combat qu’il partage grandement avec le milliardaire Elon Musk. En défendant les valeurs familiales “conformes à la Bible”, Trump mène une vraie guerre à l’encontre des personnes transgenres. Celles-ci sont désormais interdites de servir au sein de l’armée américaine et les femmes transgenres seront interdites de compétitions sportives féminines. Les personnes transgenres vont même être empêchées d’être reconnues comme telles, une loi qui s’attaque à leur existence même. Trump l’avait dit, il le fait « d’un simple trait de plume, dès le premier jour, nous mettrons un terme au délire transgenre ».

Les Etats-Unis : un acteur international central 

Les Etats-Unis sont la première puissance mondiale, cela va donc sans dire que la géopolitique internationale va elle aussi être perturbée. Donald Trump a par exemple demandé une pause à l’aide humanitaire pour les étrangers, mettant en danger de nombreux défenseur.euse.s des droits humains et des libertés fondamentales dans le monde entier. De plus, l’implication des Etats-Unis dans les divers conflits fait aussi trembler la scène internationale. Que ce soit ses positions sur la bande de Gaza affirmant que les Palestiniens n’auraient pas le droit au retour dans le cadre de son plan pour Gaza, dans un extrait d’interview dévoilé lundi 10 février ainsi que sa volonté de prendre possession de celle-ci. Ou bien celles sur la guerre en Ukraine où Trump a évoqué lundi 10 février, la possibilite que l’Ukraine devienne “russe un jour”.

A cela s’ajoute son retrait à la contribution à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)  “en raison de la mauvaise gestion par l’organisation de la pandémie de Covid-19 qui s’est déclarée à Wuhan, en Chine, et d’autres crises sanitaires mondiales, de son incapacité à adopter les réformes nécessaires de toute urgence et à faire preuve d’indépendance par rapport à l’influence politique inappropriée des États membres de l’OMS”. Celui-ci a aussi ajouté que cela était le résultat de “paiements injustement onéreux” effectués par les États-Unis à l’OMS, pays faisant pourtant partie de l’ONU et dont la contribution est capitale.  

Finalement, alors que Joe Biden avait fait entrer les Etats-Unis au sein des Accords de Paris après le premier mandat de Trump, ce dernier a de nouveau décidé de s’en retirer. “Drill baby drill”, voila ce qu’affirmait le président durant sa campagne électorale ne laissant rien présager de bon. Les Etats-Unis, un des plus gros pollueurs mondiaux, déjà victimes du réchauffement climatique comme l’ont montré les méga feux ravageant la Californie, s’apprêtent à s’engager sur une voie sans retour en matière climatique. Ce retrait touche par ailleurs l’humanité entière, le dérèglement climatique n’ayant pas de frontières. 

Trump et la démocratie 

La démocratie ce n’est pas uniquement le pouvoir du peuple, c’est aussi et surtout des contre pouvoirs administratifs et judiciaires présents pour défendre les Constitutions. Trump, en bon populiste a donc lancé une réorganisation administrative. Dès le jour de son investiture, des décrets ont été rédigés sur un ton pugnace d’un discours de campagne : suppression des programmes de diversité “radicaux et inutiles” dans les agences fédérales ; suppression des protections de la fonction publique pour une partie de la main-d’œuvre fédérale. Toutes les nouvelles embauches ont été gelées, les offres d’emploi et les réunions scientifiques ont été annulées et il a été temporairement interdit aux fonctionnaires fédéraux de la santé de communiquer avec le public, une directive que certains ont comprise comme étant si large qu’elle s’étendait même à la passation de commandes extérieures pour des fournitures de laboratoire. 

Trump a aussi ordonné la fermeture immédiate des bureaux s’occupant des initiatives et des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion. Les agences ont reçu l’ordre d’élaborer des plans de licenciement d’ici le 31 janvier. Cela est accompagné d’un incitation à la délation puisque l’administration a également menacé les employés de “conséquences négatives” s’ils ne signalent pas dans les dix jours les collègues qui défient les ordres, en créant un compte de messagerie spécial pour ces rapports. Le Times Magazine nous indique par ailleurs que “un employé de la Federal Trade Commission était tellement inquiet qu’il a demandé aux membres de sa famille de ne pas parler de politique sur des lignes non cryptées”. Notons que “dans toutes les agences gouvernementales, les travailleurs se regardent nerveusement, se demandant si un collègue ne va pas les dénoncer, les accusant de s’opposer à la décision de la nouvelle administration de mettre fin à certains programmes”.

Trump supprime ce qu’il peut supprimer et pousse ceux qu’il ne peut pas virer à démissionner. Le représentant démocrate du Maryland affirmait : “Ils vont essayer de forcer un grand nombre d’employés fédéraux à quitter leur travail, pour ensuite les remplacer par des loyalistes politiques”. L’administration et le service public, quand bien même ont une dimension politique, se doivent avant tout de défendre l’intérêt général et ne peuvent être assujettis politiquement car cela met en péril la continuité du service public mais aussi leur essence même. Trump souffle ses idées racistes, sexistes et discriminatoires au sein des administrations, représentant une menace certaine pour la démocratie américaine tout en laissant de la place aux sociétés privées, déjà très présentes au sein de la politique américaine. 

Trump s’est aussi attaqué aux services de contrôle gouvernemental tels que la Défense ou l’Intérieur. Entre 12 et 17 inspecteurs généraux responsables de la transparence des institutions ont également été renvoyés. Ces derniers ont été remplacés par une commission confiée à Elon Musk, visant à “démanteler la bureaucratie gouvernementale” et à optimiser les dépenses publiques. Des recours ont déjà été déposés devant les instances judiciaires. Néanmoins, la Cour Suprême des Etats-Unis, cour de dernière instance est elle aussi composée presque à majorité de conservateurs voire d’ultra conservateurs dont trois, soit un tiers, ont été proposés par Donald Trump. 

Quelle suite pour le reste du monde ? 

Plus que jamais, il est important de se mobiliser et de lutter contre les idées populistes d’extrême droite qui pullulent partout dans le monde – aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, en Argentine, en Inde. Alors qu’au lendemain de la première élection de Trump en 2016, des milliers de personnes s’étaient réunies devant le capitole en protestation, scandant des messages comme “not my president”, cette année, son élection n’a pas semblé susciter une telle contestation. 

De même, les dirigeants GAFA ont, contrairement au précédent mandat, soutenu Trump, à l’instar de Mark Zuckerberg ou encore de Jeff Bezos. Cela n’est pas sans poser de question de la souveraineté du reste du monde alors que nous utilisons tous.te.s ces réseaux sociaux. Certains parlent de colonialisme numérique alors que Trump est en train de bâtir une “broligarchie”. 

Les Etats-Unis sont au cœur de l’ordre mondial. En une semaine, Trump est déjà parvenu à attaquer de nombreux droits, il est donc clair que les libertés du monde entier seront impactées. Anticipons et empêchons ces idées de nécroser nos démocraties.

Sources :

https://www.sudouest.fr/societe/egalite-femmes-hommes/l-arrivee-de-trump-menace-encore-davantage-l-effilochage-des-droits-humains-selon-l-ong-human-right-watch-22857829.php

https://www.bbc.com/afrique/articles/clyn3dly4qqo

https://www.hrw.org/fr/news/2025/01/22/les-nouveaux-decrets-de-trump

https://www.hrw.org/fr/news/2025/01/16/etats-unis-le-mandat-de-trump-debutera-apres-une-annee-de-revers-pour-les-droits

https://information.tv5monde.com/terriennes/que-reserve-le-second-mandat-de-donald-trump-aux-droits-des-femmes-2758627

Trump’s Moves to Upend Federal Bureaucracy Touch Off Fear and Confusion – The New York Times
https://www.bbc.com/news/articles/clyn2p8x2eyo


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