Le 26 janvier 2025, Alexandre Loukachenko a été réélu pour un septième mandat à la présidence du Bélarus, avec un score officiel de 87,6 % des voix1. Cette élection, qualifiée de « mascarade » par l’Union européenne2 et de « farce » par l’opposition en exil, s’est déroulée dans un contexte de répression totale et de violations massives des droits humains. Ce scrutin, dénué de toute crédibilité, illustre une fois de plus la mainmise autoritaire de Loukachenko sur le pays depuis 1994.
« Depuis l’élection présidentielle de 2020, la crise déjà profonde des droits humains en Bélarus s’est encore aggravée. En menant une campagne brutale contre toute dissidence, les autorités ont créé un climat de peur étouffant, réduisant au silence toute personne qui conteste le gouvernement »
Marie Struthers, directrice pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty International3
Depuis son arrivée au pouvoir, Alexandre Loukachenko a systématiquement éliminé toute forme d’opposition. L’élection de 2025 n’a pas dérogé à cette règle. Les quatre candidats autorisés à se présenter contre lui n’étaient que des faire-valoir, triés sur le volet par le régime. La cheffe de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, en exil à Varsovie, a dénoncé une élection truquée et appelé à la libération des prisonniers politiques. « Ce scrutin est une farce, et Loukachenko n’a aucune légitimité« , a-t-elle déclaré depuis la Pologne, où elle vit après avoir été contrainte de quitter le Bélarus en 2020.
Répression et Violations des Droits Humains
Amnesty International a vivement critiqué la répression brutale menée par les autorités bélarussiennes. Depuis les manifestations de 2020, plus de 50 000 personnes ont été arrêtées arbitrairement, et des milliers ont été condamnées à des peines de prison. Les méthodes utilisées par les forces de l’ordre incluent la torture, les mauvais traitements et les détentions arbitraires. Les conditions de détention sont déplorables, et plusieurs prisonniers politiques sont morts en détention.
« Le recours systématique à des mesures répressives, y compris les détentions arbitraires, la torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que la criminalisation effective des discours critiques, brossent un tableau sombre de la situation des droits de l’homme au Belarus aujourd’hui. »
Marie Struthers, directrice pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty International4
Selon Amnesty, la situation des droits humains au Bélarus est « extrêmement sombre ». Les autorités ont créé un climat de peur étouffant, réduisant au silence toute personne osant défier le gouvernement. Les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants de la société civile sont particulièrement ciblés. Ales Bialiatski, lauréat du prix Nobel de la paix et fondateur du centre de défense des droits humains Viasna, a été condamné à 10 ans de prison sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.
Une Opposition Muselée
L’opposition bélarussienne a été systématiquement réprimée. Les partis d’opposition ont été dissous, et toute tentative de contestation est sévèrement punie. Les médias indépendants sont qualifiés d’ »extrémistes », et toute association avec eux est passible de lourdes sanctions. Les journalistes, avocats et défenseurs des droits humains ne sont pas épargnés. Selon Amnesty, plus de 45 professionnels des médias sont actuellement emprisonnés, et des centaines d’autres ont été contraints de fuir le pays.
Les manifestations de 2020, qui avaient suivi la réélection contestée de Loukachenko, avaient été violemment réprimées. Des milliers de personnes avaient été arrêtées, torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements. Depuis lors, la répression s’est intensifiée. Les autorités utilisent des lois sur l’extrémisme pour criminaliser toute forme de dissidence. En 2024, plus de 6 500 ressources en ligne, y compris des comptes personnels sur les réseaux sociaux et des médias indépendants, ont été arbitrairement qualifiées d’ »extrémistes ».
Soutien de la Russie
Alexandre Loukachenko bénéficie du soutien indéfectible de Vladimir Poutine. En 2022, le Bélarus a mis son territoire à disposition pour l’invasion russe de l’Ukraine. En retour, la Russie a déployé des armes nucléaires tactiques sur le sol bélarusse, augmentant les tensions avec les pays voisins de l’OTAN. Lors d’une conférence de presse après sa réélection, Loukachenko a réaffirmé son alliance avec Poutine, qu’il a qualifié de « grand frère ». Il a également exprimé son soutien à la politique russe en Ukraine, déclarant : « Je ne regrette rien. »
L’Union européenne a5, quant à elle, condamné l’élection et annoncé de nouvelles sanctions contre le régime de Loukachenko. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a déclaré que Loukachenko n’avait « aucune légitimité ». « La démocratie exige des élections libres, équitables et transparentes. Ce n’est pas le cas en Biélorussie », a-t-elle souligné. Les organisations de défense des droits humains appellent la communauté internationale à agir pour mettre fin à cette crise persistante.
Les États-Unis ont également condamné l’élection, qualifiant le scrutin de « simulacre de démocratie ». Le département d’État américain a appelé à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et à la fin de la répression contre l’opposition.
« Il est honteux que la communauté internationale ait largement laissé la crise des droits de l’homme en Biélorussie se dérouler et passer à l’arrière-plan. Alors que l’attention est attirée ailleurs, des milliers de personnes au Belarus sont emprisonnées, torturées ou réduites au silence simplement pour avoir exprimé leurs opinions. Les gouvernements et les organisations internationales doivent agir de manière décisive pour mettre fin immédiatement à cette crise et demander des comptes aux autorités bélarusses »
Marie Struthers, directrice pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty International6
Depuis 2020, entre 200 000 et 500 000 Bélarussiens ont fui leur pays pour échapper à la répression selon les estimations de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe7. Beaucoup se sont réfugiés en Pologne, en Lituanie ou en Lettonie. Les autorités bélarussiennes tentent de forcer le retour de ces exilés en empêchant le renouvellement de leurs passeports dans les consulats à l’étranger. Cependant, malgré la répression, l’opposition en exil continue de se mobiliser. À Varsovie, environ 1 000 personnes se sont rassemblées autour de Svetlana Tikhanovskaïa pour dénoncer la réélection de Loukachenko8.
L’élection présidentielle au Bélarus est un exemple flagrant de la dérive autoritaire d’un régime qui ne tolère aucune dissidence. La répression brutale, les violations massives des droits humains et le soutien de la Russie plongent le pays dans une crise profonde. Il est crucial que la communauté internationale prenne des mesures décisives pour soutenir le peuple bélarusse et exiger le respect des droits fondamentaux. La réélection de Loukachenko ne doit pas être reconnue, et la pression sur le régime doit s’intensifier pour mettre fin à ce simulacre électoral et à la répression systématique des libertés.
- Alexandre Loukachenko réélu pour un septième mandat en Biélorussie, lors d’un scrutin qualifié de « mascarade » par l’Union européenne, Le Monde, 26/01/2025, lien : https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/26/alexandre-loukachenko-reelu-pour-un-septieme-mandat-en-bielorussie-lors-d-un-scrutin-qualifie-de-mascarade-par-l-ue_6517094_3210.html ↩︎
- Déclaration de la haute représentante/vice-présidente Kaja Kallas et de la commissaire à l’élargissement, Marta Kos, sur le simulacre d’élection présidentielle en Biélorussie, Commission européenne, 26/01/2025, lien : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/statement_25_327 ↩︎
- Belarus: Authorities hold presidential election in climate of total fear and repression, Amnesty International, 24/01/2025, lien : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2025/01/belarus-authorities-hold-presidential-election-in-climate-of-total-fear-and-repression/ ↩︎
- Belarus: Authorities hold presidential election in climate of total fear and repression, Amnesty International, 24/01/2025, lien : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2025/01/belarus-authorities-hold-presidential-election-in-climate-of-total-fear-and-repression/ ↩︎
- Le Parlement dénonce le simulacre d’élection présidentielle à venir au Bélarus, 22/01/2025, lien : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20250116IPR26328/le-parlement-denonce-le-simulacre-d-election-presidentielle-a-venir-au-belarus ↩︎
- Belarus: Authorities hold presidential election in climate of total fear and repression, Amnesty International, 24/01/2025, lien : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2025/01/belarus-authorities-hold-presidential-election-in-climate-of-total-fear-and-repression/ ↩︎
- Addressing the specific challenges faced by the Belarusians in
exile, 05/06/2023, lien : https://rm.coe.int/report-addressing-the-specific-challenges-faced-by-the-belarusians-in-/1680ab3442 ↩︎ - Le président biélorusse Alexandre Loukachenko réélu pour un septième mandat lors d’une élection qualifiée de « mascarade » par l’UE, FranceInfo, 26/01/2025, lien : https://www.francetvinfo.fr/monde/bielorussie/le-president-bielorusse-alexandre-loukachenko-reelu-pour-un-septieme-mandat-lors-d-une-election-qualifiee-de-mascarade-par-l-ue_7038092.html ↩︎
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