Le 16 octobre, l’Italie a envoyé un navire occupé par 16 migrants dans un centre de rétention en Albanie, pour traiter leurs demandes d’asile, et ne pas avoir à le faire sur le territoire national. Cette externalisation de la politique migratoire, d’abord projet mené par l’extrême droite italienne, est aujourd’hui soutenue par une grande partie de l’UE et par la Commission. Cette politique est menée dans plusieurs pays (ex : Tunisie, Turquie, Égypte), et pose de nombreux problèmes vis à vis du respect des droits des réfugiés : détentions arbitraires, violences, flous juridiques… L’externalisation des politiques migratoires européennes doit cesser pour garantir la protection des réfugiés, et l’UE doit repenser sa politique en faveur d’une meilleure prise en charge des migrants.
Mercredi 16 octobre, un bateau sous pavillon italien accoste Shëngjin, en Albanie, pour y débarquer seize hommes. Ces derniers sont des migrants en provenance d’Egypte et du Bangladesh et sont les premières victimes du mécanisme d’externalisation migratoire du gouvernement italien d’extrême droite de Giorgia Meloni. Ce mécanisme, mis en place entre l’Albanie et l’Italie un an auparavant, mais aussi entre d’autres pays européens et pays tiers comme la Turquie ou la Tunisie, repose sur le principe de « débouter » tous demandeurs d’asiles d’Europe hors des frontières, pour étudier leur situation, en échange de soutien financier ou commercial de l’Union. Ainsi, l’objectif est clair : réduire les flux migratoires en direction du continent européen. L’externalisation de la politique migratoire date de plusieurs dizaines d’années, et est aujourd’hui érigée comme le fer de lance de la politique migratoire italienne. Elle est désormais soutenue par une quinzaine de pays membres de l’Union, ainsi que par la Commission européenne elle-même.
Nous pouvons y voir ici un raidissement de la question migratoire, notamment après les élections européennes de juin 2024 et la percée de l’extrême droite dans de nombreux pays. De plus, nous pouvons voir ce raisonnement toucher les pays hors de l’UE, avec notamment le Royaume Uni qui souhaite le mettre en place par un accord avec le Rwanda, aujourd’hui bloqué par la Chambre des communes.
Cependant, deux jours après l’arrivée du premier groupe de migrants en Albanie, un tribunal de Rome a invalidé cette décision, jugeant leurs pays d’origine “pas assez sûrs”, ces derniers ne présentant pas assez de garanties démocratiques et d’assurances sur le respect des droits de l’Homme. Selon l’accord, les centres de détention en Albanie sont réservés à ceux pouvant être renvoyés en toute sécurité selon les normes européennes. Il est aussi à noter que les pays où sont pratiqués l’externalisation (ex : Tunisie, Turquie, Égypte) connaissent eux aussi des infractions de plus en plus sévères quant au respect des droits des migrants. La Tunisie notamment, pierre angulaire de la stratégie migratoire de G. Meloni, avec le soutien de l’UE, connaît un tournant illibéral important depuis 2019.
Plus de 90 ONG, dont Amnesty International, ont interpellé le Parlement Européen pour exiger un arrêt de ces politiques, ainsi qu’une meilleure protection du droit d’asile et d’une meilleure prise en charge des réfugiés en Europe. Elles dénoncent les violations des droits fondamentaux des migrants dans les pays tiers : détentions arbitraires, flous juridiques, droits bafoués, violences de la part des autorités… ceci avec la complicité de l’UE. L’Union Européenne doit prendre ses responsabilités et faire respecter ses valeurs démocratiques, trahies par ce phénomène d’externalisation.
Sources :
Amnesty International : UE. «Il faut rejeter les projets d’externalisation de l’asile et assurer la protection des réfugié·e·s», déclarent plus de 90 ONG
Le Monde : Un an après l’accord controversé entre l’Italie et l’Albanie, les premiers migrants sont arrivés à Shëngjin.
Le Monde : En Italie, un tribunal invalide la rétention des migrants envoyés en Albanie.
Le Monde : L’interminable régression illibérale de la Tunisie.
EuroNews : 15 pays de l’UE demandent l’externalisation de la politique d’immigration et d’asile
Science Po : « Externaliser » le contrôle des migrations hors d’Europe : quelles politiques? Quels enjeux ?
Pour La Solidarité : Externalisation des frontières de l’Union européenne : enjeux et perspectives
URL : https://www.pourlasolidarite.eu/fr/publication/externalisation-des-frontieres-de-lunion-europeenne-enjeux-et-perspectives
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